Le sommeil en réadaptation: facteurs spécifiques nuisant au sommeil
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Les lésions au niveau des systèmes cérébraux régulant le sommeil
Le sommeil est un processus complexe comportant l'interaction de plusieurs régions cérébrales. Certaines structures jouent des rôles clés dans la régulation du sommeil, en particulier le tronc cérébral, le thalamus et les régions antéro-basales du cerveau (Bear et coll. 1996, Espinar-Sierra 1997, Mahowald 2000). Tout état menant au dommage cérébral ou au dysfonctionnement des neurotransmetteurs est donc susceptible d'influencer le fonctionnement des structures ou des interconnexions cérébrales entre les structures responsables de la régulation des processus de sommeil-éveil ou de la respiration pendant le sommeil.
La prise de médicaments
Différents médicaments prescrits dans le cadre de la réadaptation peuvent altérer la qualité, la quantité et l'organisation du sommeil en plus d'influencer les niveaux diurnes de fatigue ou de somnolence. En réalité, les médicaments prescrits pour le sommeil, la douleur, les crises, la relaxation musculaire ou la gestion du stress, l'anxiété ou les symptômes de dépression peuvent interagir avec les processus du sommeil, par exemple en augmentant ou diminuant le temps passé aux stades REM et NREM du sommeil. L'heure de la prise des médicaments peut également avoir un effet négatif sur la qualité du sommeil et doit être surveillée avec précaution.
Dans un établissement de réadaptation, Freter et Becker (1999) ont étudié le recours aux somnifères chez les personnes âgées dont les diagnostics étaient principalement de nature orthopédique ou neurologique. Ils ont découvert qu'en dépit du fait que 40 % des personnes de leur échantillon avaient une prescription comportant une posologie « au besoin », soit d'une variété de benzodiazépines ou d'hydrate de chloral pour les aider à mieux dormir, le recours à ces agents ne semblaient pas lié à l'amélioration de la qualité du sommeil nocturne selon l'avis du personnel infirmier de nuit, ni aux améliorations dans la vigilance diurne et le repos, selon les professionnels traitants (ergothérapeutes ou physiothérapeutes) et même selon les patients eux-mêmes. Les auteurs se sont donc questionnés sur l'utilité de la prescription de somnifères chez cette population, surtout en raison de l'identification d'un lien entre la prise de somnifères et la somnolence diurne, la confusion et les chutes. (Freter and Becker, 1999)
La douleur
On sait que divers problèmes de santé générant de la douleur (lombalgie, arthrite, cancer) provoquent perturbations du sommeil, ce qui s'avère une question particulièrement pertinente en réadaptation puisque de nombreux patients ressentent divers types de douleur. En accroissant l'état d'éveil physiologique, la douleur peut influencer la capacité des patients à s'endormir, à rester endormi ou à se rendormir après un réveil. La recherche a démontré que la douleur peut causer de fréquentes périodes de veille au cours du sommeil NREM, un phénomène que l'on désigne comme étant le sommeil alpha-delta et qui est associé à la perception subjective d'une qualité de sommeil médiocre (Moldofsky, 1989). Il a été prouvé qu'à son tour, le manque de sommeil réduit le seuil de douleur, aggravant ainsi la sensation de douleur (Kundermann et coll. 2004, Roehrs et coll. 2006).
Les facteurs environnementaux
Des facteurs inhérents à l'environnement de l'établissement hospitalier ou de réadaptation peuvent, en eux-mêmes, contribuer à produire des perturbations du sommeil chez certains patients. Par exemple, on a démontré que les patients traités dans les unités de soins intensifs ont un sommeil très perturbé, parfois même sans période de sommeil profond ou REM, en raison de facteurs comme les interventions fréquentes, la douleur, l'anxiété, le bruit et l'éclairage (Friese 2008, Friese et coll. 2007, Gabor et coll. 2001). Pendant les séjours d'hospitalisation ou au centre de réadaptation, des facteurs semblables, de même que de nouveaux, comme la cohabitation avec d'autres patients et les horaires imposés (coucher tôt) peuvent influencer les routines veille-sommeil et contribuer aux difficultés pour trouver le sommeil. De plus, lorsque les patients quittent l'établissement, soit pour réintégrer leur domicile ou commencer leur vie dans un nouvel entourage, ils doivent de nouveau se réajuster aux changements dans leur environnement et leurs habitudes de vie.
Les facteurs liés au mode de vie
Plusieurs facteurs liés au mode de vie, comme les diètes, la consommation d'alcool ou de drogues, l'exercice et les horaires de sommeil, peuvent avoir des effets sur les schémas de sommeil et avoir un rôle à jouer dans la production de perturbations du sommeil au cours de la réadaptation. Par exemple, des repas lourds pris tard le soir peuvent nuire au sommeil et les substances comme la caféine, la nicotine et l'alcool peuvent altérer la qualité du sommeil en fonction du temps, de la quantité et de la fréquence de consommation. L'obésité est associée à des symptômes de respiration irrégulière pendant le sommeil. L'exercice physique peut à la fois encourager ou entraver le sommeil en fonction de l'horaire, de l'intensité et de la régularité de l'exercice, de même que la condition physique de la personne.
Les habitudes de sommeil
Les patients hospitalisés ou qui doivent demeurer dans un centre de réadaptation peuvent être temporairement privés des indices extérieurs associés à des schémas de sommeil normaux. Ce changement peut mener en soi à des altérations des habitudes de sommeil et des difficultés à dormir. En effet, beaucoup de personnes associent le sommeil à des rituels de coucher plutôt fixes, dont une bonne partie est constituée de schémas de sommeil réguliers. Il existe donc un important phénomène de conditionnement psychologique par lequel des indices externes, comme le rituel du coucher et l'environnement de la chambre à coucher, sont associés au sommeil et à la somnolence. Pour les personnes aux prises avec des perturbations du sommeil, ces indices peuvent toutefois être associés à des émotions et des pensées négatives liées à de l'anxiété, de la frustration ou la crainte de ne pas bien dormir. Les mauvais dormeurs ont tendance à adopter des habitudes de sommeil, comme l'augmentation du temps passé au lit (en espérant pouvoir dormir davantage), la prise de siestes au cours de la journée, ou encore ceux-ci ont des horaires veille-sommeil irréguliers. Ces stratégies peuvent en réalité causer une fragmentation du sommeil et un sommeil agité. Les siestes, en particulier celles qui sont prises tard dans la journée, peuvent nuire à la qualité du sommeil nocturne, par exemple en retardant l'endormissement ou en influençant la portion de sommeil profond. Chez les patients ayant des problèmes neurologiques provoquant une intense fatigue chronique, comme un AVC, un traumatisme cranio-cérébral ou la sclérose en plaques, l'habitude de faire des siestes n'a pas encore été entièrement étudiée, mais cette habitude pourrait bien contribuer aux troubles du sommeil. Dans une étude sur la fatigue 8 ans après avoir subi un traumatisme cranio-cérébral de léger à grave (TCC), on a découvert que les personnes ayant subi un TCC prennent en moyenne six siestes par semaine (Ouellet et Morin 2006).
Alessi et ses collaborateurs ont récemment étudié la relation entre les schémas veille-sommeil et la récupération fonctionnelle dans une cohorte comprenant 245 patients âgés séjournant dans une unité de réadaptation pour des soins post-traumatiques en raison d'une variété de problèmes dont la majorité était des blessures orthopédiques (Alessi et coll. 2008). Cette équipe a découvert qu'une plus grande quantité de sommeil diurne est liée à une diminution de la récupération fonctionnelle chez les patients âgés et que cette relation persiste pendant une période pouvant aller jusqu'à 3 mois après la sortie du patient, même lorsque d'autres variables potentielles prédisant le degré de récupération fonctionnelle étaient surveillées dans le cadre des analyses. Par contre, aucune corrélation n'a été trouvée entre le sommeil nocturne et les incidences fonctionnelles, mais on a néanmoins découvert que celui-ci était perturbé chez une proportion élevée de patients. L'une des hypothèses avancées pour expliquer cette relation est que le sommeil diurne est susceptible de réduire la motivation ou les efforts qui sont déployés pour la thérapie. Cette étude a révélé l'unique contribution des problèmes de cycle veille-sommeil à la récupération fonctionnelle et indique des cibles potentielles d'intervention.
Les agents de stress psychosociaux
Le sommeil est très sensible au stress et aux troubles émotifs. Les évènements d'importance majeure de la vie (divorce, mort d'un membre de la famille) et les agents de stress moins importants (difficultés dans les relations interpersonnelles, stress lié au travail) influencent les schémas de sommeil chez les individus par ailleurs en bonne santé en accroissant l'état d'éveil avant le sommeil et au cours des éveils nocturnes. Bien que le sommeil retourne habituellement à la normale une fois que la situation stressante critique est résolue, il est possible que les symptômes d'insomnie deviennent chronique en raison d'une diversité de facteurs perpétuant l'état insomniaque, y compris les habitudes, les pensées et les attitudes mésadaptées liées au sommeil (Morin 1993). Dans les premiers stades suivant une blessure ou une maladie, les patients expérimentent des niveaux élevés de stress, d'anxiété et de sentiments de désespoir ou de solitude, en particulier au cours de l'hospitalisation pour soins actifs ou de séjours en centre de réadaptation. Dans les stades ultérieurs de la réadaptation, la plupart des patients sont particulièrement susceptibles d'expérimenter des agents de stress psychosociaux, comme d'importantes adaptations aux nouvelles limitations cognitives et physiques sur le plan émotif, l'incapacité de retourner au travail, l'incapacité de reprendre ses rôles sociaux antérieurs, des problèmes dans les relations interpersonnelles et des poursuites afférentes à l'indemnisation. En raison de ces agents de stress, les patients sont susceptibles de connaitre un accroissement de l'activité émotionnelle ou cognitive au moment du coucher. Ils se sentiront tendus, inquiets et retourneront certaines idées sans cesse dans leur tête, facteurs qui sont tous liés à la difficulté d'endormissement. Les troubles du sommeil peuvent donc apparaitre à n'importe quel stade de la réadaptation, au stade aigu consécutif à une blessure ou un épisode traumatique, durant la réadaptation, au moment du retour au domicile ou de reprendre les occupations et les rôles précédents, et de nombreuses années suivant la blessure ou l'épisode traumatique lorsqu'il s'agit de s'adapter à des limitations permanentes.
La psychopathologie comorbide
Lorsqu'un individu n'arrive pas à s'adapter correctement aux agents de stress principaux ou récurrents, la psychopathologie peut évoluer pour prendre la forme d'une dépression majeure ou de troubles de l'anxiété. Les troubles du sommeil constituent souvent l'apanage de la psychopathologie: on sait que les perturbations du sommeil comme l'insomnie ou l'hypersomnie peuvent être intimement liées aux problèmes psychologiques de dépression ou de troubles anxieux. Des enquêtes épidémiologiques effectuées auprès de l'ensemble de la population indiquent que la relation entre la psychopathologie et les perturbations du sommeil peuvent avoir une double incidence. Par exemple, on a constaté que l'insomnie peut s'avérer à la fois une conséquence et une cause potentielle de la dépression. Malheureusement, les symptômes de la dépression et de l'anxiété sont très communs chez les populations en réadaptation. Des études récentes ont permis de découvrir que les taux de prévalence de dépression majeure à la suite d'un TCC varient entre 17 % et 42 % (Dikmen et coll. 2004, Hibbard et coll. 2004, Jorge et coll. 2004, Kreutzer et coll. 2001). Jorge et ses collaborateurs (Jorge et coll. 1993, Jorge et coll. 2004) ont constaté qu'approximativement 60 % à 75 % des patients TCC qui ont développé une dépression majeure ont également souffert d'un trouble anxieux. Chez les personnes ayant subi un traumatisme sans chirurgie au cerveau, l'anxiété et la dépression touchent des proportions d'individus variant entre 7 et 17 %, et ce, de trois à six mois suivant le traumatisme (Mason et coll. 2002, Mayou et coll. 2001, O'Donnell et coll. 2004, Shepherd et coll. 1990), 6 et 19% après un an (Mayou et coll. 2001, O'Donnell et coll. 2004) et de 11 % à 30 % au-delà de deux ans suivant le traumatisme (Andersson et coll. 1997, Piccinelli et coll. 1999). Chez les patients ayant subi un AVC, la présence de dépression et d'anxiété s'élevait à une proportion de 18 à 27 % des patients (Appelros et Viitanen 2004, Barker-Collo 2007, Beekman et coll. 1998, Masel, Scheibel et coll. 2001).