Les troubles du sommeil et les traitements répertoriés spécifiques des populations en réadaptation

L'accident vasculaire cérébral (AVC)

L'apnée obstructive du sommeil

Il est clair qu'il existe une relation entre les troubles respiratoires du sommeil, comme le syndrome d'apnées obstructives du sommeil (SAOS) et les AVC, bien qu'on ne sache toujours pas si le SAOS est une conséquence de l'AVC ou s'il agit comme une cause potentielle d'un AVC. Des processus complexes faisant appel aux mécanismes neuraux, hémodynamiques, métaboliques et inflammatoires peuvent être déclenchés par des épisodes d'anomalies respiratoires et entrainer un AVC. À l'inverse, l'AVC peut également exacerber les troubles respiratoires du sommeil (Bassetti et coll. 2006, Wessendorf et coll. 2000).

Comparativement aux groupes témoins correspondant, le ronflement est significativement plus commun chez les personnes ayant subi un AVC, touchant approximativement la moitié (47,4 %) des patients. Le SAOS est, quant à lui, présent dans une proportion pouvant aller jusqu'à 60% des patients ayant subi un AVC au cours de la période post-traumatique (Disler et coll. 2002). Arzt et ses collaborateurs (2005) ont publié des données indiquant que des troubles respiratoires du sommeil précèdent habituellement un AVC et qu'ils ont donc un important rôle à jouer dans son développement (Arzt et coll. 2005).

La somnolence diurne excessive causée par le SAOS a des répercussions majeures sur la capacité du patient à déployer des efforts dans le cadre de sa réadaptation. En fait, la recherche démontre que la récupération et les incidences fonctionnelles des personnes ayant subi un AVC sont compromises lorsque ceux-ci souffrent de troubles respiratoires du sommeil (Cherkassky et coll. 2003, Dyken et coll. 1996, Kaneko et coll. 2003), données qui mettent en relief l'importance du dépistage et du traitement des troubles du sommeil chez cette population.

Le traitement habituel de l'apnée du sommeil se fait au moyen d'une technique ayant recours à un appareil semblable à un masque que l'on appelle ventilation nasale en pression positive continue (VNPPC). Bien que la recherche sur l'efficacité de la VNPPC chez des patients ayant subi un AVC est rare, tout indique qu'il est possible de l'utiliser chez cette population malgré la présence d'hémiplégie, d'hémiparésie, de déficiences cognitives et d'une atteinte de l'ensemble de l'autonomie fonctionnelle (Disler et coll. 2002, Wessendorf et coll. 2001). Disler et ses collaborateurs (2002) laissent entendre que le traitement du SAOS à la suite d'un AVC serait susceptible de prévenir la survenue d'un second AVC.

L'insomnie

Le corpus documentaire sur l'insomnie chez les patients ayant subi un AVC est très restreint malgré le fait que les plaintes d'insomnie (difficultés à trouver le sommeil ou à rester endormi) sont présentes dans une proportion variant entre 57 et 68 % des personnes ayant subi un AVC (Leppavuori et coll. 2002, Palomaki et coll. 2003). Au moyen des critères de diagnostic du DSM-IV, une étude a indiqué que 37,5 % d'un échantillon de patients ayant subi un AVC répondaient aux critères de diagnostic de l'insomnie (Leppavuori et coll. 2002). L'étiologie de l'insomnie indue par un AVC n'a pas encore été étudiée, bien qu'il soit possible de poser comme hypothèse que différents facteurs puissent être en jeu, comme un dommage neurologique (aux systèmes neurologiques responsables de la régulation du sommeil), des facteurs environnementaux et des agents de stress psychologique (stress, anxiété et dépression liés aux défis de la réadaptation). Parmi les traitements de l'insomnie suivant un AVC reconnus comme étant efficaces dans la littérature, on trouve des agents pharmacologiques comme le lorazépam, le zopiclone (Li Pi Shan et Ashworth 2004) et la miansérine (Palomaki et coll. 2003). Une seule petite étude au moyen de l'acupuncture (Kim et coll. 2004) suggère quelques points favorables. Jusqu'à maintenant, il n'existe aucune étude sur les traitements comportementaux de l'insomnie chez cette population.

Les traumatismes cranio-cérébraux (TCC)

L'insomnie

L'insomnie est le trouble du sommeil le plus couramment observé à la suite d'un TCC. Bien que l'étiologie de l'insomnie chez cette population reste inconnue, elle laisse croire que des dommages aux structures liées au sommeil, comme le tronc cérébral ou la formation réticulaire, sont susceptibles de provoquer des changements dans l'architecture ou la qualité du sommeil (Mahowald 2000). De plus, des modifications au niveau de la pression intracrânienne, des hormones, des neuropeptides ou des neurotransmetteurs sont aussi pressentis comme étant des facteurs responsables des changements dans le sommeil à la suite d'un TCC (Baumann et coll. 2005, Frieboes et coll. 1999, Mahowald 2000). On a également avancé que des facteurs psychologiques pourraient jouer un important rôle étiologique dans le développement de l'insomnie à la suite d'un TCC (Ouellet et Morin 2007, Ouellet et coll. 2004) étant donné les divers agents de stress que doivent surmontés ces patients et la prévalence élevée des troubles de l'humeur et de l'anxiété chez les personnes ayant subi un TCC. La douleur et certaines céphalées sont des facteurs pouvant causer l'insomnie post-traumatique. En effet, Beetar et ses collaborateurs (1996) ont démontré l'importante interaction entre le sommeil et les plaintes de douleur. Des patients éprouvant des douleurs, soit une proportion de 59 % de leur échantillon, sont deux fois plus nombreux à se plaindre de troubles du sommeil comparativement à ceux qui n'ont indiqué ne ressentir aucune douleur et dont les plaintes relatives au maintien du sommeil (problèmes à rester endormi) sont les plus courantes (Beetar et coll. 1996).

Durant la période suivant immédiatement l'accident (stade aigu), environ 70 % des patients expérimentent d'importantes perturbations de leur sommeil nocturne selon les membres du personnel soignant (Burke 2004, Makley et coll. 2008). Durant la période post-traumatique, des études hétérogènes indiquent la présence de symptômes insomniaques chez 30 à 70 % des personnes jusqu'à plusieurs années suivant le traumatisme (voir Ouellet et coll. 2004 pour une analyse). Fichtenberg et coll. ont établi un taux de prévalence de l'insomnie de 30 % au moyen des critères opérationnels du Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (DSM-IV) chez des patients en moyenne 4 mois après avoir subi un traumatisme (Fichtenberg et coll. 2002). En se servant d'une combinaison des critères du DSM-IV et de la Classification internationale des maladies (CIM-10), Ouellet et coll. (2006) ont constaté qu'une proportion de 29,4 % sur un échantillon de 452 patients était atteinte d'insomnie cliniquement significative en moyenne 8 ans suivant le traumatisme (Ouellet et coll. 2006). De ce nombre, 60 % ne recevaient aucun traitement lié à leurs troubles du sommeil. Les médicaments habituellement prescrits pour l'insomnie, ou pour d'autres problèmes de santé, chez la population en général n'ont pas été étudiés dans le contexte spécifique du TCC, mais il a été recommandé d'éviter les benzodiazépines chez ces patients en raison de la possibilité d'effets secondaires (activité psychomotrice et cognitive altérée, influence sur l'architecture du sommeil et risque de dépendance). On recommande plutôt le recours aux nouveaux somnifères de type non benzodiazépine (zolpidem, zaleplon, zopiclone et eszopiclone). Ceux-ci sont couramment utilisés pour traiter l'insomnie et comportent moins d'effets secondaires, un risque moins élevé de tolérance et moins de répercussions sur le fonctionnement cognitif diurne (Flanagan et coll. 2007, Goldstein 1995). Ouellet et ses collaborateurs ont publié des données préliminaires indiquant que la thérapie cognitivo-comportementale (thérapie visant à modifier les habitudes, les pensées et les attitudes mésadaptées envers le sommeil) est efficace dans le traitement de l'insomnie chez les patients ayant subi un TCC (Ouellet et Morin 2004, 2007) avec des résultats pouvant durer jusqu'à trois mois suivant la fin du traitement. Ce type de thérapie peut servir soit comme traitement d'appoint, soit comme solution de rechange à la prescription de somnifères.

La somnolence diurne excessive

On rapporte des sentiments subjectifs à l'égard du sommeil diurne excessive (SDE) chez les patients ayant subi un TCC dans une proportion variant entre 14 et 55 % (Baumann et coll. 2007, Castriotta et coll. 2007, Clinchot et coll. 1998; Cohen et coll. 1992, Parcell et coll. 2006, Perlis et coll. 1997, Verma et coll. 2007, Watson et coll. 2007), mais ils sont parfois difficiles à différencier de la fatigue post-traumatique qui est très répandue. Certains examens en laboratoire du sommeil (le test de latences multiples d'endormissement ou le test de maintien de l'éveil) mesurent objectivement la présence de problèmes de SDE. De récentes enquêtes ont rapporté des taux de prévalence du SDE objectif variant entre 11 % et 53 % (Baumann et coll. 2007, Castriotta et coll. 2007, Guilleminault et coll. 2000, Verma et coll. 2007). On a enquêté sur le recours au modafinil comme possibilité de médication pour le traitement de la fatigue et de la somnolence diurne consécutive à un TCC avec très peu de succès (Jha et coll., 2008).

L'apnée du sommeil

On a découvert que les troubles respiratoires du sommeil, surtout l'apnée obstructive du sommeil, touchaient de 30 à 40 % des patients ayant subi un TCC qui se plaignaient de somnolence diurne (Guilleminault et coll. 1983, Guilleminault et coll., 2000, Verma et coll. 2007). Aucune étude n'a encore été publiée sur l'efficacité de la VNPPC pour les troubles respiratoires du sommeil chez les populations TCC.

La narcolepsie

Au moins 22 rapports de cas ont été publié sur la narcolepsie post-traumatique confirmée par des examens polysomnographiques (Ebrahim et coll. 2005). Des études récentes indiquent que, à l'instar des patients souffrant de narcolepsie, les patients ayant subi un TCC présentent une baisse dans les niveaux d'hypocrétine, un neuropeptide hypothalamique impliqué dans la régulation du cycle veille-sommeil (Baumann et coll. 2005; Baumann et coll. 2007). De plus amples recherches sont nécessaires afin d'étudier cette corrélation. On rapporte le cas d'un patient de 27 ans souffrant de narcolepsie post-traumatique traité avec succès au moyen du méthylphénidate, mais des études supplémentaires sont nécessaires sur ce sujet et sur d'autres agents potentiels, comme le modafinil (Francisco and Ivanhoe 1996).

Les troubles du rythme circadien du sommeil

On a rapporté quelques cas d'individus qui ont développé des troubles du rythme circadien à la suite d'un TCC, dont une grande partie présentaient un trouble de retard de phase du sommeil (Ayalon et coll. 2007, Boivin et coll. 2004, Nagtegaal et coll. 1997, Patten et Lauderdale 1992, Quinto et coll. 2000).

Les traumatismes médullaires

L'apnée du sommeil

On a remarqué des proportions très élevées d'apnée obstructive du sommeil (AOS) chez les patients blessés médullaires, soit de taux oscillant entre 15 et 62 % selon les différentes études (Berlowitz et coll. 2005, Burns et coll. 2000, Klefbeck et coll. 1998, Stockhammer et coll. 2002). Peu d'études ont examiné les spécificités du traitement de l'AOS chez les patients blessés médullaires. En raison de limitations comme un déficit dans le fonctionnement de la main, une congestion nasale ou une faiblesse des muscles expiratoires, Burns et ses collaborateurs ont émis l'hypothèse selon laquelle l'acceptation à long terme et l'utilisation quotidienne de VNPPC seraient compromises chez les blessés médullaires. Cependant, dans un échantillon de 40 patients, ils ont découvert que 80 % des patients essayaient la VNPPC et 63 % de ce nombre continuent de l'utiliser régulièrement, ce qui donne un taux de rétention comparable à celui des personnes atteintes d'ASO sans blessure médullaire. Les effets secondaires les plus courants (congestion nasale, inconfort dû au port du masque, claustrophobie) entrainant une discontinuation d'utilisation de la VNPPC étaient semblables à ceux que l'on observe dans l'ensemble de la population (Burns et coll. 2005).

L'insomnie

Fichtenberg et ses collaborateurs (2002) ont inclus 25 blessés médullaires dans un groupe témoin pour une étude sur les plaintes d'insomnie suivant un TCC. Ils ont été surpris de constater que que la moyenne des scores à l'indice de la qualité du sommeil de Pittsburgh dans le groupe blessé médullaire était plus élevée comparativement à celle du groupe TCC, soit une proportion de 72 % indiquant une mauvaise qualité du sommeil et 56 % chez qui le score indiquait la présence d'insomnie. Scheer et coll. (2006) ont constaté que des personnes ayant subi un traumatisme du rachis cervical présentaient une efficacité du sommeil plus basse que celle des participants du groupe témoin ayant subi un traumatisme du rachis thoracique. L'efficacité du sommeil de ces derniers était comparable à celle des participants du groupe témoin présentant une bonne santé. Ces auteurs laissent entendre que l'interruption dans la sécrétion de mélatonine au cours de la nuit pourrait être un mécanisme expliquant la baisse de l'efficacité du sommeil chez les patients ayant subi un traumatisme du rachis cervical (Scheer et coll. 2006). Étant donné la prévalence apparemment très élevée de l'insomnie suivant une blessure médullaire, la poursuite des recherches dans ce domaine est justifiée.

Les blessures musculosquelettiques et les problèmes de douleur chronique

Bien que la douleur soit reconnue pour nuire à la qualité du sommeil, celui-ci peut également aggraver la douleur ressentie par les personnes ayant des problèmes musculosquelettiques. Des études expérimentales ont démontré que la privation de sommeil pouvait réduire le seuil de la douleur (Kundermann et coll. 2004, Smith et coll. 2004). Marty et ses collaborateurs (2008) ont découvert que 49,5 % des patients atteints de lombalgie chronique se plaignaient d'un mauvais sommeil, comparativement à 10,4% chez le groupe témoin (Marty et coll. 2008). Marin et ses collaborateurs (2006) ont également découvert qu'une proportion très élevée de patients dirigés vers une troisième clinique de médecine physique et de réadaptation pour des lombalgies chroniques présentaient des perturbations du sommeil. Ils ont étayé une hausse de 55 % dans la proportion de patients indiquant avoir un sommeil léger ou agité à la suite de l'apparition de la douleur chronique. Une relation favorable entre l'intensité de la douleur et la gravité de la perturbation du sommeil a également été découvert chez ces patients (Marin et coll. 2006). Fichtenberg et ses collaborateurs (2002) ont indiqué que 56 % des patients ayant subi des blessures musculosquelettiques présentaient un indice de la qualité du sommeil de Pittsburgh se situant dans la zone d'insomnie. Bien que la médication demeure l'option de traitement la plus couramment offerte aux patients atteints de maladies graves qui souffrent d'insomnie, Currie et ses collaborateurs ont démontré qu'une thérapie cognitivo-comportementale s'avérait efficace chez cette population (Currie et coll. 2000).

La sclérose en plaques

La recherche sur les troubles du sommeil chez les personnes atteintes de sclérose en plaques est très rare. Bamer et ses collaborateurs (2008) ont mené une enquête sur les troubles du sommeil auprès d'un échantillon de 1063 personnes atteintes de sclérose en plaques. Ils ont découvert que 51,5 % des sujets de l'échantillon souffraient de troubles du sommeil de niveau modéré à grave et que de ce nombre, les femmes constituaient un groupe chez qui le risque était plus élevé que chez les hommes (Bamer et coll. 2008).