Recommandations pour l'évaluation et le traitement des troubles du sommeil en réadaptation

Évaluation

Les entretiens cliniques

L'évaluation des perturbations du sommeil chez les patients en réadaptation doit être complète et prendre en considération tous les facteurs contributifs potentiels. Premièrement, un entretien détaillé avec le patient, complété idéalement par de l'information obtenue de ses proches, est essentiel pour étayer la plainte subjective. Les cliniciens doivent examiner à la fois les schémas et la qualité du sommeil prémorbides (c.-à-d. avant l'accident ou l'apparition du trouble) et actuels au moyen de questions concernant la nature, la gravité, la durée et l'évolution des perturbations du sommeil, le cycle veille-sommeil normal de la personne, de même que son fonctionnement diurne, comme les niveaux de vigilance. De plus, les cliniciens doivent avoir un portrait limpide des médicaments prescrits, des interactions entre eux et de la présence d'autres problèmes qui pourraient contribuer au trouble du sommeil. Cela s'avère particulièrement important dans le cas de patients en réadaptation en raison d'une occurrence élevée de comorbidité et de la polypharmacie qui lui est associée (usage simultané de plusieurs médicaments) au sein de cette population. La fatigue doit également être évaluée avec soin et différenciée de perturbations du sommeil comme la somnolence. De plus, une évaluation rigoureuse devrait suffire pour déceler la présence de symptômes ou de troubles psychiatriques (dépression, anxiété, toxicomanie), de maladies graves ou de douleur, éléments qui sont tous extrêmement prévalents chez les patients en réadaptation. Un examen physique et neurologique et une prise de sang peuvent s'avérer utiles pour étayer d'autres facteurs (Morin et Edinger, 1997).

Les questionnaires d'autodéclaration

Bien qu'elle soit essentielle, l'information obtenue au moyen d'entretiens avec le patient et de collatéraux doit être validée ou complétée avec des données plus systématiques recueillies par le biais d'outils d'évaluation subjectifs, comportementaux et physiologiques. Il existe une grande variété de questionnaires d'autodéclaration évaluant des aspects variés du sommeil. Les questionnaires qui suivent figurent parmi ceux qui sont le plus couramment utilisées et les plus susceptibles d'être utiles auprès d'une population en réadaptation:

  • L'Indice de la qualité du sommeil de Pittsburgh est un questionnaire évaluant plusieurs caractéristiques de la qualité du sommeil, y compris le recours à une médication favorisant le sommeil et la présence d'un dysfonctionnement diurne;
  • Le Insomnia Severity Index est un questionnaire évaluant la gravité de l'insomnie;
  • L'échelle de somnolence d'Epworth est une échelle évaluant les probabilités d'endormissement dans huit situations;
  • Le Questionnaire vespéralité-matinalité est un questionnaire utilisé pour déterminer les préférences en matière de rythmes circadiens.

Bien qu'ils soient en mesure de fournir des renseignements utiles, les résultats de ces questionnaires doivent être corroborés par d'autres sources. C'est particulièrement vrai dans le cas de patients présentant des déficiences cognitives, comme des troubles de l'apprentissage et de la mémoire et une conscience de soi réduite, étant donné que ces troubles sont susceptibles d'influencer leurs réponses.

L'agenda de sommeil

Un simple agenda de sommeil peut servir à contrôler les schémas veille-sommeil et les facteurs pouvant influencer le sommeil. On demande habituellement aux patients de consigner les heures de lever et de coucher, d'estimer le temps requis pour s'endormir (latence d'endormissement), de même que le nombre et la durée des éveils. On peut aussi avoir recours à l'agenda pour étayer l'usage de médicaments, d'alcool, de caféine et d'autres substances. Des agendas de sommeil complets couvrant une période d'environ deux semaines consécutives sont recommandés afin d'avoir un bon aperçu des schémas de sommeil et de la variabilité inter-nuit.

La polysomnographie

Une étude en laboratoire du sommeil au moyen de la polysomnographie peut être nécessaire pour dépister les troubles du sommeil chez certains patients. La polysomnographie comprend des mesures électroencéphalographiques (EEG; activité cérébrale), électrooculographiques (EOG; mouvements oculaires) et électromyographiques (EMG; mouvements musculaires). La polysomnographie permet de recueillir des renseignements complets sur la continuité du sommeil (latence du sommeil, durée des éveils suivant l'endormissement, durée du sommeil, efficacité du sommeil) et sur l'architecture du sommeil (portion du temps passé à chaque stade du sommeil ou éveillé). D'autres mesures peuvent être comprises pour dépister d'autres troubles du sommeil, comme le syndrome de mouvements périodiques des membres dans le sommeil ou les troubles respiratoires au cours du sommeil (la saturation d'oxygène ou d'activité musculaire dans les jambes par exemple).

On a également recours à la polysomnographie au cours de la journée pour évaluer la somnolence diurne et dépister les troubles associés à de tels symptômes. Le test des latences multiples d'endormissement (Multiple Sleep Latency Test ou MSLT) consistent en des enregistrements polysomnographiques diurnes effectués au cours de 4 à 5 siestes de 20 minutes évaluées à des intervalles de 2 heures. Le test du maintien de l'éveil est une autre évaluation objective de la somnolence dans laquelle les siestes durent 40 minutes, contrairement à 20 minutes dans le MSLT, et les directives données aux participants précisent qu'il faut tenter de demeurer éveillé, contrairement au MSLT où il faut s'endormir le plus rapidement possible. Dans ces deux tests, les patients qui s'endorment rapidement (en 5 minutes par exemple) et présentant des périodes de REM au cours de leurs siestes peuvent être considérés comme ayant des problèmes de somnolence diurne excessive (c.-à-d. une narcolepsie).

Les inconvénients des techniques polysomnographiques comprennent leurs coûts considérables et leur disponibilité restreinte. Étant donné l'encombrement qu'occasionnent le milieu laboratoire et ses divers appareils, il est possible que la mesure polysomnographique ne représente pas adéquatement les schémas habituels de sommeil du patient à son domicile. Des appareils de mesure polysomnographique ambulatoires ont été mis au point pour permettre la mesure du sommeil à domicile qui comporte également sa part d'avantages et d'inconvénients.

L'actimétrie

Un actimètre est un petit appareil semblable à une montre qui permet d'enregistrer l'activité motrice de façon continue pendant plusieurs jours. Les données issues de l'actimètre permettent l'analyse des paramètres sommeil-veille selon la présence ou l'absence d'activité motrice et représente une solution peu dispendieuse pour obtenir des mesures objectives des schémas sommeil-veille.

Les traitements recommandées

Comme vu dans l'analyse du corpus de la littérature précédente, il existe très peu d'études étayant l'efficacité des différents traitements pour les troubles du sommeil propres aux patients en réadaptation. Dans le cas de certains états de santé (traumatisme cranio-cérébral, sclérose en plaques), le sommeil commence à peine à être reconnu comme étant un problème important à considérer au cours de la réadaptation. La plupart des cliniciens se fient donc sur les données probantes obtenues auprès de patients qui ne sont pas en réadaptation et de la recherche sur l'usage d'hypnotiques, les interventions comportementales et les appareils techniques (la VNPPC par exemple) qui sont actuellement reconnus pour avoir le plus d'effets bénéfiques et le moins d'effets secondaires. Il est toutefois absolument nécessaire que des recherches soient menées pour garantir l'innocuité et l'efficacité de ces traitements chez les patients en réadaptation qui présentent des caractéristiques particulières, comme des limitations motrices, des déficiences cognitives et un risque accru de crises ou possiblement, dans certains cas, de problèmes cardiovasculaires.

Les effets secondaires habituellement associés avec des options de traitement différentes devraient faire l'objet d'une étude spécifique dans une population déterminée de sujets en réadaptation. Dans le cas de la médication contre l'insomnie, par exemple, il faut être prudent en ce qui a trait à la possibilité d'effets diurnes qui pourraient exacerber les déficiences cognitives chez certains patients (AVC, TCC) ou altérer les niveaux de vigilance chez des patients qui sont déjà enclins à la somnolence diurne. Il est possible que l'un des effets secondaires de la thérapie cognitivo-comportementale de l'insomnie soit l'exacerbation des sentiments de fatigue au cours des premières semaines du traitement. Les patients doivent être informés et surveillés s'ils présentent déjà de la fatigue liée à un AVC ou un traumatisme cérébral.

Une autre question nécessitant plus d'attention dans le contexte de la réadaptation est celle de l'adhésion au traitement. Porter un appareil comme la VNPPC, prendre des médicaments régulièrement et respecter les lignes directrices liées à leur usage (éviter la consommation d'alcool) ou suivre une routine de sommeil peut s'avérer difficile pour certains patients en réadaptation en raison de facteurs divers comme la douleur, l'hémiplégie, les troubles mnésiques ou l'impulsivité. Les cliniciens et les chercheurs devraient endosser l'identification des obstacles propres au traitement efficace des troubles du sommeil chez les différentes populations en réadaptation.

http://cirrie.buffalo.edu/encyclopedia/fr/article/43/